Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Singe et le Léopard

Le singe avec le léopard
          Gagnaient de l'argent à la foire.
          Ils affichaient chacun à part.
L'un d'eux disait : « Messieurs, mon mérite et ma gloire
Sont connus en bon lieu. Le roi m'a voulu voir;
          Et, si je meurs, il veut avoir
Un manchon de ma peau: tant elle est bigarrée,
          Pleine de taches, marquetée,
          Et vergetée, et mouchetée! »
La bigarrure plaît. Partant chacun le vit.
Mais ce fut bientôt fait; bientôt chacun sortit.
Le singe, de sa part, disait: « Venez, de grâce.
Venez, Messieurs, je fais cent tours de passe-passe,
Cette diversité dont on vous parle tant,
Mon voisin léopard l'a sur soi seulement;
Moi, je l'ai dans l'esprit. Votre serviteur Gille,
          Cousin et gendre de Bertrand,
          Singe du pape en son vivant,
          Tout fraîchement en cette ville
Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler;
Car il parle, on l'entend : il sait danser, baller,
          Faire des tours de toute sorte,
Passer en des cerceaux; et le tout pour six blancs :
Non, Messieurs, pour un sou; si vous n'êtes contents
Nous rendrons à chacun son argent à la porte. »
Le singe avait raison. Ce n'est pas sur l'habit
Que la diversité me plaît; c'est dans l'esprit:
L'une fournit toujours des choses agréables;
L'autre, en moins d'un moment, lasse les regardants.
Oh! que de grands seigneurs, au léopard semblables,
N'ont que l'habit pour tous talents!

Livre IX, Fable III

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