Le singe avec le léopard
Gagnaient de l'argent à la foire.
Ils affichaient
chacun à part.
L'un d'eux disait : « Messieurs, mon mérite et ma gloire
Sont connus en bon lieu. Le roi m'a voulu voir;
Et, si je meurs, il veut avoir
Un manchon de ma peau: tant elle est
bigarrée,
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée! »
La
bigarrure plaît. Partant chacun le vit.
Mais ce fut bientôt fait; bientôt chacun sortit.
Le singe, de sa part, disait: « Venez, de grâce.
Venez, Messieurs, je fais cent tours de passe-passe,
Cette diversité dont
on vous parle tant,
Mon voisin léopard l'a sur soi seulement;
Moi, je l'ai dans l'esprit. Votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de
Bertrand,
Singe du pape en son vivant,
Tout fraîchement en cette ville
Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler;
Car il parle, on l'entend : il sait danser, baller,
Faire des tours de
toute sorte,
Passer en des cerceaux; et le tout pour six blancs :
Non, Messieurs, pour un sou; si vous n'êtes contents
Nous rendrons à
chacun son argent à la porte. »
Le singe avait raison. Ce n'est pas sur l'habit
Que la diversité me plaît;
c'est dans l'esprit:
L'une fournit toujours des choses agréables;
L'autre, en moins d'un moment, lasse les regardants.
Oh! que de grands seigneurs, au léopard semblables,
N'ont que l'habit pour
tous talents!
Livre IX, Fable III
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