Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Cochon, la Chèvre et le Mouton

Une chèvre, un mouton, avec un cochon gras,
Montés sur même char, s'en allaient à la foire.
Leur divertissement ne les y portait pas;
On s'en allait les vendre, à ce que dit l'histoire.
          Le charton n'avait pas dessein
          De les mener voir Tabarin.
          Dom pourceau criait en chemin
Comme s'il avait eu cent bouchers à ses trousses :
C'était une clameur à rendre les gens sourds.
Les autres animaux, créatures plus douces,
Bonnes gens, s'étonnaient qu'il criât au secours
          Ils ne voyaient nul mal à craindre.
Le charton dit au porc: « Qu'as-tu tant à te plaindre?
Tu nous étourdis tous : que ne te tiens-tu coi?
Ces deux personnes-ci, plus honnêtes que toi,
Devraient t'apprendre à vivre, ou du moins à te taire:
Regarde ce mouton; a-t-il dit un seul mot?
          Il est sage. - Il est un sot,
Repartit le cochon: s'il savait son affaire,
Il crierait comme moi, du haut de son gosier;
          Et cette autre personne honnête
          Crierait tout du haut de sa tête.
Ils pensent qu'on les veut seulement décharger,
La chèvre de son lait, le mouton de sa laine:
          Je ne sais pas s'ils ont raison;
          Mais quant à moi, qui ne suis bon
          Qu'à manger, ma mort est certaine.
          Adieu mon toit et ma maison. »
Dom pourceau raisonnait en subtil personnage
Mais que lui servait-il ? Quand le mal est certain,
La plainte ni la peur ne changent le destin;
Et le moins prévoyant est toujours le plus sage.

Livre VIII, Fable XII

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