Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Les deux Amis

Deux vrais amis vivaient au Monomotapa :
L'un ne possédait rien qui n'appartint à l'autre.
          Les amis de ce pays-là
          Valent bien, dit-on, ceux du nôtre.
Une nuit que chacun s'occupait au sommeil,
Et mettait à profit l'absence du soleil,
Un de nos deux amis sort du lit en alarme;
Il court chez son intime, éveille les valets:
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L'ami couché s'étonne; il prend sa bourse, il s'arme,
Vient trouver l'autre, et dit: « Il vous arrive peu
De courir quand on dort, vous me paraissiez homme
A mieux user du temps destiné pour le somme:
N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu?
En voici. S'il vous est venu quelque querelle,
J'ai mon épée, allons. Ne le voulez-vous point?
- Non dit l'ami, ce n'est ni l'un ni l'autre point. :
          Je vous rends grâce de ce zèle..
Vous m'êtes, en dormant un peu triste apparu;
J'ai craint qu'il ne fût vrai; je suis vite accouru.
          Ce maudit songe en est la cause. »
Qui d'eux aimait le mieux? Que t'en semble, lecteur?
Cette difficulté vaut bien qu'on la propose.
Qu'un ami véritable est une douce chose!
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur;
          Il vous épargne la pudeur.
          De les lui découvrir vous-même;
          Un songe, un rien, tout lui fait peur
          Quand il s'agit de ce qu'il aime.

Livre VIII, Fable XI

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.01 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr