Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
La tête et la queue du Serpent

Le serpent a deux parties
          Du genre humain ennemies,
          Tête et queue; et toutes deux
          Ont acquis un nom fameux
          Auprès des Parques cruelles :
          Si bien qu'autrefois entre elles
          Il survint de grands débats
                    Pour le pas.
La tête avait toujours marché devant la queue.
          La queue au Ciel se plaignit
                    Et lui dit :
     « Je fais mainte et mainte lieue
          Comme il plaît à celle-ci;
Croit-elle que toujours j'en veuille user ainsi?
          Je suis son humble servante.
          On m'a faite, Dieu merci,
          Sa sœur et non sa suivante.
          Toutes deux de même sang,
          Traitez-nous de même sorte:
          Aussi bien qu'elle je porte
          Un poison prompt et puissant.
          Enfin, voilà ma requête :
          C'est à vous de commander
          Qu'on me laisse précéder
          A mon tour ma sœur la tête.
          Je la conduirai si bien
          Qu'on ne se plaindra de rien. »
Le Ciel eut pour ces vœux une bonté cruelle.
Souvent sa complaisance a de méchants effets.
Il devrait être sourd aux aveugles souhaits.
Il ne le fut pas lors; et la guide nouvelle,
          Qui ne voyait, au grand jour,
          Pas plus clair que dans un four,
          Donnait tantôt contre un marbre,
          Contre un passant, contre un arbre:
Droit aux ondes du Styx elle mena sa sœur.
Malheureux les États tombés dans son erreur!

Livre VII, Fable XVII

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