Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
La Discorde

La déesse Discorde ayant brouillé les dieux,
Et fait un grand procès là-haut pour une pomme,
          On la fit déloger des cieux.
          Chez l'animal qu'on appelle homme
          On la reçut à bras ouverts,
          Elle et Que-si-Que-non, son frère,
          Avecque Tien-et-Mien, son père.
Elle nous fit l'honneur en ce bas univers
          De préférer notre hémisphère
A celui des mortels qui nous sont opposés,
          Gens grossiers, peu civilisés,
Et qui, se mariant sans prêtre et sans notaire,
          De la Discorde n'ont que faire.
Pour la faire trouver aux lieux où le besoin
          Demandait qu'elle fût présente,
          La Renommée avait le soin
     De l'avertir; et l'autre, diligente,
Courait vite aux débats et prévenait la Paix,
Faisait d'une étincelle un feu long à s'éteindre.
La Renommée enfin commença de se plaindre
          Que l'on ne lui trouvait jamais
          De demeure fixe et certaine;
Bien souvent l'on perdait, à la chercher, sa peine
Il fallait donc qu'elle eût un séjour affecté,
Un séjour d'où l'on pût en toutes les familles
          L'envoyer à jour arrêté.
Comme il n'était alors aucun couvent de filles,
          On y trouva difficulté.
          L'auberge enfin de l'Hyménée
          Lui fut pour maison assinée.

Livre VI, Fable XX

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.06 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr