Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Villageois et le Serpent

Ésope conte qu'un manant,
          Charitable autant que peu sage,
          Un jour d'hiver se promenant
          A l'entour de son héritage,
Aperçut un serpent sur la neige étendu,
Transi, gelé, perclus, immobile rendu,
          N'ayant pas à vivre un quart d'heure.
Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure;
Et, sans considérer quel sera le loyer
          D'une action de ce mérite,
          Il l'étend le long du foyer,
          Le réchauffe, le ressuscite.
L'animal engourdi sent à peine le chaud,
Que l'âme lui revient avecque la colère;
Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt;
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son père.
« Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire!
Tu mourras! » A ces mots, plein d'un juste courroux,
Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête;
          Il fait trois serpents de deux coups,
          Un tronçon, la queue et la tête.
L'insecte sautillant cherche à se réunir,
          Mais il ne put y parvenir.           Il est bon d'être charitable? :
          Mais envers qui? c'est là le point.
          Quant aux ingrats, il n'en est point
          Qui ne meure enfin misérable .

Livre VI, Fable XIII

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