Un
certain loup, dans la saison
Quel les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie,
Et que les animaux quittent tous la maisons
Pour s'en aller chercher
leur vie,
Un loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver,
Aperçut un cheval qu'on avait mis au vert.
Je laisse à penser quelle
joie.
« Bonne chasse, dit-il, qui l'aurait à son croc!
Eh! que n'es-tu mouton! car tu me serais hoc,
Au lieu qu'il faut ruser pour avoir cette proie.
Rusons donc. » Ainsi dit, il vient à pas comptés?;
Se dit écolier
d'Hippocrate;
Qu'il connaît les vertus et les propriétés
De tous les simples de
ces prés;
Qu'il sait guérir, sans
qu'il se flatte,
Toutes sortes de maux. Si dom Coursier voulait
Ne point celer sa
maladie,
Lui loup gratis le
guérirait;
Car le voir en cette
prairie
Paître ainsi, sans être
lié,
Témoignait quelque mal, selon la médecine.
« J'ai, dit la bête
chevaline,
Une apostume sous le
pied.
- Mon fils, dit le docteur, il n'est point de partie
Susceptible de tant de
maux.
J'ai l'honneur de servir Nosseigneurs les Chevaux,
Et fais aussi la
chirurgies. »
Mon galand ne songeait qu'à bien prendre son temps,
Afin de happer son
malade.
L'autre, qui s'en doutait, lui lâche une ruade,
Qui vous lui met en
marmelade
Les mandibules et les
dents.
« C'est bien fait, dit le loup en soi-même fort triste;
Chacun à son métier doit toujours s'attacher.
Tu veux faire ici
l'arboriste,
Et ne fus jamais que
boucher. »
Livre V, Fable VIII
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