Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le petit Poisson et le Pêcheur

Petit poisson deviendra grand,
     Pourvu que Dieu lui prête vie;
          Mais le lâcher en attendant,
          Je tiens pour moi que c'est folie:
Car de le rattraper il n'est pas trop certain.

Un carpeau, qui n'était encore que fretin,
Fut pris par un pêcheur au bord d'une rivière.
« Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin;
Voilà commencement de chère et de festin:
          Mettons-le en notre gibecière. »
Le pauvre carpillon lui dit en sa manière :
« Que ferez-vous de moi? je ne saurais fournir
          Au plus qu'une demi-bouchée.
          Laissez-moi carpe devenir :
          Je serai par vous repêchée;
Quelque gros. partisan m'achètera bien cher:
          Au lieu qu'il vous en faut chercher
          Peut-être encor cent de ma taille
Pour faire un plat: quel plat? croyez-moi, rien qui vaille.
- Rien qui vaille? Eh bien! soit, repartit le pêcheur:
Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur,
Vous irez dans la poêle; et vous avez beau dire,
     Dès ce soir on vous fera frire. »

Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras :
          L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.

Livre V, Fable III

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.04 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr