Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
L'Ane et le petit Chien

Ne forçons point notre talent,
          Nous ne ferions rien avec grâce:
          Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasse,
          Ne saurait passer pour galant.
Peu de gens, que le ciel chérit et gratifie,
Ont le don d'agréer infus avec la vie.
          C'est un point qu'il leur faut laisser,
Et ne pas ressembler à l'âne de la fable,
          Qui, pour se rendre plus aimable.
Et plus cher à son maître, alla le caresser.
          « Comment? disait-il en son âme,
          Ce chien, parce qu'il est mignon,
          Vivra de pair à compagnon
          Avec Monsieur, avec Madame;
          Et j'aurai des coups de bâton?
          Que fait-il? il donne la patte;
          Puis aussitôt il est baisé:
S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte,
          Cela n' est pas bien malaisé. »
          Dans cette admirable pensée,
Voyant son maître en joie, il s'en vient lourdement,
          Lève une corne tout usée,
La lui porte au menton fort amoureusement,
Non sans accompagner, pour plus grand ornement,
De son chant gracieux cette action hardie.
« Oh! oh! quelle caresse! et quelle mélodie!
Dit le maître aussitôt. Holà, Martin-bâton! »
Martin-bâton accourt: l'âne change de ton.
          Ainsi finit la comédie. 

Livre IV, Fable V

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.01 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr