Les grenouilles se lassant
De l'état démocratique,
Par leurs clameurs firent
tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique :
Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort
peureuse,
S'allas cacher sous les
eaux,
Dans les joncs, dans les
roseaux,
Dans les trous du
marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau.
Or c'était un soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de 1e voir
s'aventurant,
Osa bien quitter sa
tanière.
Elle approcha, mais en
tremblant;
Une autre la suivit, une autre en fit autant:
Il en vint une
fourmilière;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu'à sauter sur l'épaule du roi.
Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue :
« Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue. »
Le monarque des dieux leur envoie une grue,
Qui les croque, qui les
tue,
Qui les gobe à son
plaisir;
Et grenouilles de se
plaindre,
Et Jupin de leur dire: « Eh quoi? votre désir
A ses lois croit-il nous
astreindre?
Vous avez dû premièrement
Garder votre
gouvernement;
Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fût débonnaire et doux :
De celui-ci
contentez-vous,
De peur d'en rencontrer
un pire. »
Livre III, Fable IV
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