Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Renard et le Bouc

Capitaine renard allait de compagnie
Avec son ami bouc des plus haut encornés:
Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez;
L'autre était passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits :
          Là chacun d'eux se désaltère.
Après qu'abondamment tous deux en eurent pris,
Le renard dit au bouc: « Que ferons-nous, compère ?
Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici.
Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi;
Mets-les contre le mur: le long de ton échine
          Je grimperai premièrement;
          Puis sur tes cornes m'élevant,
          A l'aide de cette machine,
          De ce lieu-ci je sortirai,
          Après quoi je t'en tirerai.
- Par ma barbe, dit l'autre, il est bon; et je loue
          Les gens bien sensés comme toi.
          Je n'aurais jamais, quant à moi,
          Trouvé ce secret, je l'avoue. »
Le renard sort du puits, laisse son compagnon,
          Et vous lui fait un beau sermon
          Pour l'exhorter à patience.
« Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbes au menton,
          Tu n'aurais pas, à la légère,
Descendu dans ce puits. Or adieu: j'en suis hors;
Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts;
          Car, pour moi, j'ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin.»

En toute chose il faut considérer la fin.   

Livre III, Fable V

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.01 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr