Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Lion et le Rat

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde,
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi,
          Tant la chose en preuves abonde.

         Entre les pattes d'un lion
Un rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.
          Ce bienfait ne fut pas perdu.
          Quelqu'un aurait-il jamais cru
          Qu'un lion d'un rat eût affaire ?
Cependant il avint qu'au sortir des forêts
          Ce lion fut pris dans des rets ,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.

          Patience et longueur de temps
          Font plus que force ni que rage.

L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits.

Le long d'un clair ruisseau buvait une colombe,
Quand sur l'eau se penchant une fourmis y tombe
Et dans cet océan l'on eût vu la fourmi
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La colombe aussitôt usa de charité:
Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la fourmis arrive.
          Elle se sauve; et là-dessus
Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus
Ce croquant, par hasard, avait une arbalète.
          Dès qu'il voit l'oiseau de Vénus,
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon villageois s'apprête,
          La fourmi le pique au talon.
          Le vilain retourne la tête :
La colombe l'entend, part, et tire de long.
Le soupé du croquant avec elle s'envole:
Point de pigeon pour une obole.

Livre II, Fable XI

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