Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Les deux Taureaux et une Grenouille

Deux taureaux combattaient à qui posséderait
          Une génisse avec l'empire.
          Une grenouille en soupirait.
          «Qu'avez-vous? » se mit à lui dire
          Quelqu'un du peuple croassant.
          - Eh! ne voyez-vous pas, dit-elle,
          Que la fin de cette querelle
Sera l'exil de l'un; que l'autre, le chassant,
Le fera renoncer aux campagnes fleuries?
Il ne régnera plus sur l'herbe des prairies,
Viendra dans nos marais régner sur les roseaux j
Et nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
Tantôt l'une, et puis l'autre, il faudra qu'on pâtisse
Du combat qu'a causé Madame la génisse. »
          Cette crainte était de bon sens.
          L'un des taureaux en leur demeure
          S'alla cacher, à leurs dépens:
          Il en écrasait vingt par heure. 

          Hélas! on voit que de tout temps
Les petits ont pâti des sottises des grands.

Livre II, Fable IV
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1 - Croasser se dit des corbeaux, coasser des grenouilles

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