Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Coq et le Renard

Sur la branche d'un arbre était en sentinelle
          Un vieux coq adroit et matois.
« Frère, dit un renard, adoucissant sa voix,
          Nous ne sommes plus en querelle :
          Paix générale cette fois.
Je viens te l'annoncer; descends, que je t'embrasse.
          Ne me retarde point, de grâce;
Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer.
          Les tiens et toi pouvez vaquer,
          Sans nulle crainte, à vos affaires;
          Nous vous y servirons en frères.
          Faites-en les feux dès ce soir,
          Et cependant viens recevoir
          Le baiser d'amour fraternelle.
- Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
                     Que celle
                 De cette paix;
      Et ce m'est une double joie
De la tenir de toi. Je vois deux lévriers,
          Qui, je m'assure, sont courriers
          Que pour ce sujet on envoie:
Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
Je descends: nous pourrons nous entre-baiser tous.
- Adieu, dit le renard, ma traite est longue à faire,
Nous nous réjouirons du succès de l'affaire
     Une autre fois. » Le galand aussitôt
          Tire ses grègues, gagne au haut,
          Mal content de son stratagème.
          Et notre vieux coq en soi-même
          Se mit à rire de sa peur;
Car c'est double plaisir de tromper le trompeur.

Livre II, Fable XV

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.02 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr