Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
L'Amour et la Folie

Tout est mystère dans l'amour,
Ses flèches, son carquois, son flambeau, son enfance :
          Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour
          Que d'épuiser cette science.
Je ne prétends donc point tout expliquer ici:
Mon but est seulement de dire, à ma manière,
          Comment l'aveugle que voici
(C'est un dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière,
Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien;
J'en fais juge un amant, et ne décide rien.
La Folie et l'Amour jouaient un jour ensemble
Celui-ci n'était pas encor privé des yeux.
Une dispute vint: l'Amour veut qu'on assemble
          Là-dessus le conseil des dieux;
          L'autre n'eut pas la patience;
     Elle lui donne un coup si furieux,
          Qu'il en perd la clarté des cieux.
          Vénus en demande vengeance.
Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris:
          Les dieux en furent étourdis,
          Et Jupiter, et Némésis,
Et les juges d'enfer, enfin toute la bande.
Elle représenta l'énormité du cas:
« Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas :
Nulle peine n'était pour ce crime assez grande :
Le dommage devait être aussi réparé. »
          Quand on eut bien considéré
L'intérêt du public, celui de la partie,
Le résultat enfin de la suprême cour
          Fut de condamner la Folie
          A servir de guide à l'Amour.

Livre XII, Fable XIV

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