Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
L'Aigle et la Pie

L'aigle, reine de l'airs, avec Margot la pie,
Différentes d'humeur, de langage, et d'esprit,
                    Et d'habit,
          Traversaient un bout de prairie.
Le hasard les assemble en un coin détourné.
L'agasse eut peur; mais l'aigle, ayant fort bien dîné,
La rassure, et lui dit : « Allons de compagnie;
Si le maître des dieux assez souvent s'ennuie,
          Lui qui gouverne l'univers,
J'en puis bien faire autant, moi qu'on sait qui le sers
Entretenez-moi donc, et sans cérémonie. »
Caquet-bon-bec alors de jaser au plus dru.,
Sur ceci, sur cela, sur tout. L'homme d'Horace,
Disant le bien, le mal, à travers champs, n'eût su
Ce qu'en fait de babil y savait notre agasse.
Elle offre d'avertir de tout ce qui se passe,
          Sautant, allant de place en place,
Bon espion, Dieu sait. Son offre ayant déplu,
          L'aigle lui dit tout en colère:
          « Ne quittez point votre séjour.,
Caquet-bon-bec, ma mie; adieu; je n'ai que faire
          D'une babillarde à ma cour:
          C'est un fort méchant caractère. »
          Margot ne demandait pas mieux.
Ce n'est pas ce qu'on croit que d'entrer chez les dieux. :
Cet honneur a souvent de mortelles angoisses,
Rediseurs, espions, gens à l'air gracieux,
Au cœur tout différent, s'y rendent odieux :
Quoique ainsi que la pie il faille dans ces lieux
          Porter habit de deux paroisses.

Livre XII, Fable XI

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.02 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr