Un bûcheron venait de rompre ou d'égarer
Le bois dont il avait emmanché sa
cognée.
Cette perte ne put sitôt se réparer
Que la forêt n'en fût quelque temps
épargnée.
L'homme enfin la prie humblement
De lui laisser tout doucement
Emporter
une unique branche,
Afin de faire un autre manche:
« Il irait employer ailleurs son gagne-pain;
Il laisserait debout maint chêne et maint sapin
Dont chacun respectait la
vieillesse et les charmes. »
L'innocente forêt lui fournit d'autres
armes.
Elle en eut du regret. Il emmanche son fer:
Le misérable ne s'en sert
Qu'à dépouiller sa bienfaitrice
De ses
principaux ornements.
Elle gémit! à tous moments :
Son propre don fait son supplice.
Voilà le train du monde et de ses sectateurs :
On s'y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
Je suis las d'en parler. Mais que de doux ombrages
Soient exposés à ces
outrages,
Qui ne se plaindrait là-dessus!
Hélas! j'ai beau crier et me rendre incommode,
L'ingratitude et les
abus
N'en seront pas moins à la mode.
Livre XII, Fable XVI
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