Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Soleil et les Grenouilles

IMITATION D'UNE FABLE LATINE

Les filles du limon tiraient du roi des astres
          Assistance et protection :
Guerre ni pauvreté, ni semblables désastres
Ne pouvaient approcher de cette nation ;
Elle faisait valoir en cent lieux son empire.
Les reines des étangs, grenouilles veux-je dire
          (Car que coûte-t-il d'appeler
          Les choses par noms honorables?)
Contre leur bienfaiteur osèrent cabaler,
          Et devinrent insupportables.
L'imprudence, l'orgueil, et l'oubli des bienfaits,
          Enfants de la bonne fortune,
Firent bientôt crier cette troupe importune:
          On ne pouvait dormir en paix.
               Si l'on eût cru leur murmure!,
               Elles auraient, par leurs cris,
               Soulevé grands et petits
               Contre l'œil de la Nature.
« Le Soleil, à leur dire, allait tout consumer;
          Il fallait promptement s'armer,
          Et lever des troupes puissantes. »
          Aussitôt qu'il faisait un pas,
               Ambassades croassantes
               Allaient dans tous les États:
               A les ouïr, tout le monde,
               Toute la machine ronde
               Roulait sur les intérêts
               De quatre méchants marais.
               Cette plainte téméraire
               Dure toujours; et pourtant
               Grenouilles devraient se taire.
               Et ne murmurer pas tant;
               Car si le soleil se pique,
               Il le leur fera sentir;
               La république aquatique
               Pourrait bien s'en repentir.

Livre XI, Fable X

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.01 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr