Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Chien à qui on a coupé les oreilles

« Qu'ai-je fait, pour me voir ainsi
          Mutilé par mon propre maître'?
          Le bel état où me voici!
Devant les autres chiens oserai-je paraître?
O rois des animaux, ou plutôt leurs tyrans,
          Qui vous ferait choses pareilles... »
Ainsi criait Mouflar, jeune dogue; et les gens,
Peu touchés de ses cris douloureux et perçants,
Venaient de lui couper sans pitié les oreilles.
Mouflar y croyait perdre. Il vit avec le temps
Qu'il y gagnait beaucoup; car, étant de nature
A piller ses pareils, mainte mésaventure
          L'aurait fait retourner chez lui
Avec cette partie en cent lieux altérée :
Chien hargneux a toujours l'oreille déchirée.
Le moins qu'on peut laisser de prise aux dents d'autrui,
C'est le mieux. Quand on n'a qu'un endroit à défendre,
          On le munit, de peur d'esclandre.
Témoin maître Mouflar armé d'un gorgerin ;
Du reste ayant d'oreilles autant que sur ma main:
          Un loup n'eût su par où le prendre.

Livre X, Fable VIII

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