Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
Le Renard et la Cigogne

Compère le renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la cigogne.
Le régal fut petit et sans beaucoup d'apprêts:
          Le galand, pour toute besogne,
Avait un brouet clair; il vivait chichement.
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La cigogne au long bec n'en put attraper miette,
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
     Pour se venger de cette tromperie,
A quelque temps de là, la cigogne le prie.
« Volontiers, lui dit-il; car avec mes amis
          Je ne fais point cérémonie. »
     A l'heure dite, il courut au logis
          De la cigogne son hôtesse;
          Loua très fort sa politesse;
          Trouva le dîner cuit à point :
Bon appétit surtout; renards n'en manquent point.
Il se réjouissait à l'odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande.
         On servit, pour l'embarrasser,
En un vase à long col et d'étroite embouchure.
Le bec de la cigogne y pouvait bien passer;
Mais le museau du sire était d'autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris,
     Serrant la queue, et portant bas l'oreille.

          Trompeurs, c'est pour vous que j'écris:
          Attendez-vous à la pareille.

Livre I, Fable XVIII

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.01 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr