Jean de la Fontaine
Une fable au hasard


 
L'Homme entre deux âges
et ses deux Maîtresses


Un homme de moyen âge,
          En tirant sur le grison,
          Jugea qu'il était saison
          De songer au mariage.
          Il avait du comptant,
               Et partant
     De quoi choisir; toutes voulaient lui plaire :
En quoi notre amoureux ne se pressait pas tant;
     Bien adresser n'est pas petite affaire.
Deux veuves sur son cœur eurent le plus de part
     L'une encor verte, et l'autre un peu bien mûre,
          Mais qui réparait par son art
          Ce qu'avait détruit la nature.
          Ces deux veuves, en badinant,
          En riant, en lui faisant fête,
          L'allaient quelquefois testonnant,
          C'est-à-dire ajustant sa tête.
La vieille, à tous moments, de sa part emportait
          Un peu du poil noir qui restait,
Afin que son amant en fût plus à sa guise.
La jeune saccageait les poils blancs à son tour.
Toutes deux firent tant, que notre tête grise
Demeura sans cheveux, et se douta du tour.
Je vous rends, leur dit-il, mille grâces, les belles,
          Qui m'avez si bien tondu:
          J'ai plus gagné que perdu;
          Car d'hymen point de nouvelles.
Celle que je prendrais voudrait qu'à sa façon
          Je vécusse, et non à la mienne.
          Il n'est tête chauve qui tienne.
Je vous suis obligé, belles, de la leçons. »

Livre I, Fable XVII

envoyez vos commentaires pas encore de commentaire
version à imprimer dans une nouvelle fenêtre





   ·   contact  · les arbres · European trees · voyages · 1500chansons · 1600 poèmes
Cette page a mis 0.09 s. à s'exécuter -
Conception© 2006 - www.lespassions.fr