Un envoyé du Grand Seigneur
Préférait, dit l'histoire, un jour chez l'Empereur,
Les forces de son maître à celles de l'Empire.
Un Allemand se mit à
dire:
« Notre prince a des
dépendants
Qui, de leur chef, sont
si puissants
Que chacun d'eux pourrait soudoyer une armée. »
Le chiaoux, homme de
sens,
Lui dit: « Je sais par
renommée
Ce que chaque Électeur peut de monde fournir;
Et cela me fait souvenir
D'une aventure étrange, et qui pourtant est vraie.
J'étais en un lieu sûr, lorsque je vis passer
Les cent têtes d'une hydre au travers d'une haie.
Mon sang commence à se
glacer;
Et je crois qu'à moins on
s'effraie.
Je n'en eus toutefois que la peur sans le mal :
Jamais le corps de
l'animal
Ne put venir vers moi, ni trouver d'ouverture.
Je rêvais à cette
aventure,
Quand un autre dragon, qui n'avait qu'un seul chef,
Et bien plus d'une queue, à passer se présente.
Me voilà saisi derechef
D'étonnement et
d'épouvante.
Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi:
Rien ne les empêcha; l'un fit chemin à l'autre.
Je soutiens qu'il en est
ainsi
De votre empereur et du
nôtre. »
Livre I, Fable XII
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